Les droits de reproduction dans les bibliothèques, les archives et les musées : sources de revenus ou de partenariat?

Bilan des pratiques relatives aux droits de reproduction dans établissements culturels français
Résultats de l'enquête de 2004
Auteur : Emmanuelle CHEVRY

L'agence de coopération des bibliothèques et centres de documentation en Bretagne (COBB) avait organisé en novembre 2001, une journée d'étude sur les "Droits de reproduction" qui visait à confronter les usages des différentes institutions culturelles en France relatifs aux droits de reproduction. A cette occasion, 58 établissements culturels du Grand Ouest avaient exposé leurs pratiques en répondant à un questionnaire.
Il a été constaté, d'une part qu'il existait une grande variété de pratiques en fonction de la taille des établissements et du type de collections de documents conservés et d'autre part que les professionnels des institutions culturelles se sentaient démunis face au service de reproduction.

Trois ans après, l'agence de coopération Interbibly, la Médiathèque de l'Agglomération troyenne et l'Université de Reims Champagne-Ardenne ont adressé le questionnaire actualisé auprès de 300 établissements culturels (musées, bibliothèques et archives) situés majoritairement dans le Grand Est dans le but d'élargir l'échantillon de l'enquête initiale et d'évaluer une dynamique entre 2001 et 2004. 50 questionnaires remplis ont été retournés, 14 archives, 25 bibliothèques et 11 musées.

Pratiques des droits de reproduction

54% des établissements n'autorisent pas la reproduction de tous les documents. Les demandes sont refusées principalement pour des raisons juridiques (documents non libres de droit) ou pour des raisons de conservation de documents fragiles. Internet suscite toujours la méfiance : seul un tiers des établissements autorise la reproduction des documents en vue d'une publication sur le Web. D'autres raisons sont parfois évoquées : des obstacles matériels liés au format des oeuvres, ou des justifications liées à l'usage du document reproduit (par exemple des oeuvres détournées dans le cadre de la publicité, ou dont la reproduction peut desservir l'image de la ville). Seul, un tiers des établissement évoque le droit de reproduction dans le règlement intérieur et 72% étudient les demandes de reproduction au cas par cas. Enfin, la moitié des établissements font remplir un formulaire de demande de reproduction.

Clichés des collections

Une grande majorité (80%) des établissements possède des clichés de leurs collections ou une partie. Ceux qui n'en ont pas sont en général les petites structures. Elles évoquent l'absence d'un service photographique, le manque de moyens financier et humain. Les trois-quarts des établissements qui possèdent des clichés de leur collection les prêtent aussi bien aux particuliers, aux éditeurs qu'aux institutions. Alors qu'ils sont 80% à autoriser les particuliers à prendre leurs propres clichés dans les locaux de l'établissement, ils sont 30% à le refuser aux éditeurs.

Paiement des droits de reproduction

La moitié des établissements fait payer des droits de reproduction (qui varie entre 11,43 € et 84 € dans l'échantillon de grilles de tarification reçues par les établissements). Les établissements distinguent très souvent la reproduction destinée à un usage privé de la reproduction à un usage commercial. Ils sont nombreux à pratiquer des réductions ou à exonérer les demandes à usage privé ou à caractère purement éducatif ou contribuant au rayonnement de la ville. De la même manière, il arrive que des établissements pratiquent aussi l'exonération ou la réduction des frais techniques lors d'échanges entre établissements ou pour les enseignants, les chercheurs ou pour tout travail scientifique de professionnels. Les demandes à usage commercial sont très rarement exonérées de la redevance et des frais techniques. Dans notre échantillon, nous trouvons le cas d'exonération de la redevance pour des éditeurs lors d'une réédition ou lorsque un catalogue présente une œuvre de l'établissement. Si tous les tarifs sont validés par les tutelles, ces derniers ainsi que leurs modes de calcul varient selon les établissements. Toutes les grilles dissocient le prix de la prestation de celui de la redevance d'utilisation. Pour les frais techniques, certains établissements proposent une tarification unique d'autres appliquent des tarifs très détaillés en fonction de la nature du support, de la taille, du nombre de documents utilisés (majoration, réduction), du nombre de tirages... Les redevances ont été fixées par l'observation des pratiques d'autres établissements (notamment la BnF pour 3 d'entre eux) et parfois en se souciant d'une harmonisation municipale. Quelques directeurs d'établissement ont adopté le document préexistant à leur arrivée.

Contreparties

Nous trouvons trois types de contreparties à la reproduction : les mentions obligatoires, le signalement de la parution et la fourniture d'ouvrages. Les mentions obligatoires Tous les établissements exigent la présence de mentions obligatoires en légende lors de la publication à l'exception de deux bibliothèques de petite taille. 91% des établissements exigent le nom de l'institution (90%), puis la référence du document (76%) et le nom du photographe (54%). Le signalement de la parution 80% des établissements exigent qu'on leur signale la parution de la publication qui utilise le document. Le don d'exemplaires Autant (80%) demandent des exemplaires de la parution. Le nombre de documents varie de 1 à 5 mais les 2/3 des établissements ne demandent qu'1 à 2 exemplaires. Ce nombre peut varier en fonction du nombre de clichés ou du type d'utilisation du document (utilisation des documents reproduits à des fins commerciales ou non). Par exemple, la bibliothèque municipale de Colmar a rédigé une note dans laquelle elle prie " les chercheurs qui publient un travail dans lequel des documents ou des reproductions de documents de la bibliothèque sont utilisés ou cités de bien vouloir lui remettre un exemplaire de leur publication. En agissant ainsi, ils aident grandement la recherche, tout en faisant connaître leurs travaux. " Les réponses des questionnaires montrent que les institutions culturelles ont des difficultés à faire appliquer les contreparties de la reproduction. Il arrive que les ouvrages de justification ne soient pas déposés à l'établissement malgré le contrat établi entre les deux parties.

Relations avec les éditeurs

Les trois-quarts des établissements ont déjà travaillé avec un éditeur privé et 46% en co-édition (beaucoup plus souvent sous forme de publication papier que sous forme de publication électronique). Seuls des établissement de petite taille n'ont pas eu de contacts avec les éditeurs et ce sont les grands établissements qui pratiquent la co-édition.

Pratiques

Propositions d'amélioration Près de la moitié des établissements souhaite disposer d'un modèle de contrats précis et rigoureux avec les éditeurs et d'un suivi juridique. 40% demandent la mise en place d'une cohérence entre les pratiques des services culturels de la collectivité. Les axes d'amélioration proposés en plus par les établissements culturels portent sur les délais de reproduction, sur le contrôle des usages de la reproduction, sur l'archivage des clichés de la collection, sur le personnel qualifié et sur la prise en compte des nombreux cas de figure des demandes.

Conclusion

D'une façon générale, les résultats de l'enquête de 2004 confirme ceux de 2001. La taille de l'établissement constitue bien un facteur discriminant dans la variété des pratiques des droits de reproduction. Les établissements de petit taille apparaissent moins structurés pour traiter ces problématiques. La crainte du support numérique est ressorti à nouveau dans cette enquête. Laure Cédelle dans son compte-rendu de la journée d'étude de 2001 citait J.P. Bessières qui rappelait à ce sujet que les professionnels n'avaient pas plus à craindre des reproductions sur supports numériques que des reproduction sur support papier ou argentique. Rien ne garantit en effet qu'une reproduction photographique ne soit pas numérisée par la suite. Enfin, l'enquête de 2004 nous permet d'identifier l'importance accordée à l'usage qui est fait des reproductions de documents. C'est en effet cet usage qui déterminera l'autorisation de la reproduction, le prix et la définition éventuelle d'un cadre juridique spécifique.

Annexes : Liste des 50 établissements qui ont retourné le questionnaire

Archives Bibliothèques Musées
Archives départementales de la Haute-Marne
Archives départementales de la Marne
Archives départementales de l'Aube
Archives départementales des Vosges
Archives départementales du Bas-Rhin
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Archives municipales de Dijon
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BM Bar sur Aube
BM de Reims
BM de Châlons en Champagne
BM de Charleville-Mézières
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BM de Dijon
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BM de Macon
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BM Le Mans
BM Rouen
BM Strasbourg BM Verdun
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BU Toulouse
BU de Lille
BIUM Montpellier
Bibliothèque Sainte-Geneviève
Médiathèque de Dieppe
Bibliothèque et musée de Carpentras

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Musée d'Art et d'Histoire de Troyes
Musée d'Art et d'Histoire,
musée de la crèche de Chaumont
Musée de la vie dans les Hautes-Alpes de Saint-Dié des Vosges
Musée des beaux-arts de Dijon
Musée des beaux-arts de Nancy
Musée des beaux-arts de Reims Musée du temps de Besançon Musée de Sens (CEREP)
Musée Le phare de Verzenay en Champagne Musée de Vernon